L’ethnobotanique est un mot de plus en plus utilisé, mais aussi de plus en plus mal compris.
Tantôt confondue avec une simple collection d’anecdotes sur les plantes, tantôt présentée comme une discipline ésotérique ou folklorique, elle mérite qu’on s’attarde sur sa véritable nature.
Loin des raccourcis et des idées reçues, l’ethnobotanique est avant tout une discipline scientifique à part entière, à la croisée de l’ethnologie et de la botanique, et qui s’appuie sur des méthodes rigoureuses de recherche.
Notre vidéo et notre article proposent d’en clarifier les fondements, d’explorer les confusions fréquentes autour du terme, et de montrer en quoi les connaissances issues de l’ethnobotanique peuvent enrichir la pratique des animateurs nature, à condition de bien en saisir les enjeux et les limites.
Qu’est-ce que l’ethnobotanique ?
L’ethnobotanique peut être simplement définie comme l’étude des interactions entre les humains et les plantes. Elle est souvent considérée comme une sous-discipline de l’ethnoécologie, elle-même parfois considérée comme une branche de l’écologie, qui étudie les interactions entre les êtres vivants et leur environnement²,⁴-⁶.
À l’international, l’ethnobotanique est une discipline scientifique à la croisée de l’ethnologie (étude des sociétés humaines) et de la botanique (étude des plantes). Elle entretient aussi des liens avec d’autres domaines comme la phytosociologie, la pédologie, la microbiologie, la toxicologie, la pharmacie, l’histoire ou l’archéologie²,⁵,⁷.
L’ethnobotanique : une discipline rigoureuse ancrée dans la recherche scientifique internationale
Contrairement à une idée reçue, l’ethnobotanique ne se limite ni à la manière dont les sociétés étudient les plantes, ni à la seule collecte de « savoirs traditionnels »². Même si elle prend parfois en compte des contextes historiques, elle s’intéresse d’abord au présent²,⁸. Et elle ne se pratique pas nécessairement dans des contrées lointaines : une étude menée par un français peut très bien porter sur les plantes des cimetières français².
Cette discipline est portée par des chercheurs publiant dans des revues scientifiques internationales. Leur travail repose sur une double compétence en botanique et en ethnologie, et sur une méthodologie rigoureuse, à savoir, par exemple, une description précise des taxons associés à des enquêtes de terrain qualitatives menées sur la durée²,³,⁹.
Confusion entre ethnobotanique et folklorisme
À l’international, le terme « ethnobotanique » est surtout utilisé par des chercheurs¹⁰. En France, cependant, certaines personnes se revendiquent ethnobotanistes malgré des lacunes notables dans l’une ou l’autre des disciplines parentes, ou sans mener de travail de recherche¹⁰.
Cette dérive vient en partie d’une confusion avec le folklorisme, considéré comme un ancêtre de l’ethnologie. Le folkloriste recueille des anecdotes sans rigueur, dans un esprit nostalgique et souvent empreint de mépris envers les populations étudiées¹¹. À l’inverse, l’ethnologue ou l’ethnobotaniste formé à la recherche applique une méthodologie rigoureuse pour répondre à une question donnée.
Les anecdotes ne sont pas à exclure : si elles sont vérifiées, elles peuvent nourrir les discours d’animation nature et faire l’objet de recherches plus approfondies¹⁰,¹¹,¹². Le problème survient lorsqu’elles sont reprises sans recul, par des personnes manquant de bases en ethnologie et véhiculant malgré elles un regard folkloriste¹⁰.
Certains autoproclamés ethnobotanistes s’appuient aussi sur l’idée d’une « reconnexion » aux savoirs de la nature¹³, sans définir clairement ce qu’ils entendent par là, et parfois en véhiculant inconsciemment des représentations issues du mythe du bon sauvage.
Dans ce contexte, il peut être préférable de simplement décrire ce que l’on fait, sans chercher à se ranger sous un terme souvent galvaudé²,³.
La rigueur scientifique : au-delà des intitulés sur un CV
Ainsi utilisé trop souvent à tort, le terme d’ethnobotaniste, qui rend bien sur un CV, ne renseigne plus beaucoup sur la compétence de la personne³.
C’est en regardant les publications scientifiques de l’ethnobotaniste qu’on pourra comprendre si celui-ci relève vraiment de l’ethnobotanique, plutôt de l’anecdote, voire du folklorisme. D’une manière générale, la discipline scientifique à laquelle appartient un travail se révèle plus facilement a posteriori en analysant les méthodes et les sources utilisées, qu’a priori, seulement sur les dires de la personne¹⁴.
Et d’ailleurs, le nom de la discipline n’a pas tant d’importance, c’est plutôt la rigueur du travail qui compte.
L’ethnobotanique et l’animateur nature
L’animateur nature en plantes sauvages n’est pas (ou rarement) un ethnobotaniste, mais ça ne l’empêche pas d’utiliser les connaissances fournies par l’ethnobotanique et par le folklorisme (en prenant du recul sur ces dernières). C’est même une pratique que nous encourageons vivement !
Ce sont par exemple des recherches en ethnobotanique qui nous permettent de dire que l’animateur nature en plantes sauvages a un rôle dans la préservation des espèces et des milieux¹. Ce sont aussi des études en ethnobotanique qui permettent de parler des relations d’une population à une plante à un moment donné, de la connotation négative associée à l’ortie et la notion de mauvaise herbe, de la relation aux fruits charnus en ville (qui « salissent » les trottoirs), des usages contextualisés de la renouée du Japon, etc.
En revanche, les anecdotes souvent utilisées en animation nature comme celles sur l’étymologie des noms des plantes, les usages médicinaux du Moyen-Âge ou de l’Antiquité, l’histoire des usages alimentaires, etc., ne relèvent pas directement de l’ethnobotanique. Celle-ci, entendue comme une démarche scientifique, utilise évidemment ces informations mais les intègre au sein d’une recherche dont l’enjeu est de documenter les relations unissant plantes et sociétés humaines, il ne s’agit donc pas d’une simple compilation encyclopédique d’anecdotes disparates.
Cela n’empêche pas d’utiliser des anecdotes diverses, il faut simplement les contextualiser, c’est-à-dire comprendre d’où elles viennent, qui est l’auteur, la date et la provenance, la méthode employée, les destinataires, tout cela afin de relativiser et clarifier tant nos informations que notre posture en tant qu’animateur nature.
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Sources
- Teixidor-Toneu, I. et al. Stewardship underpins sustainable foraging. Trends Ecol. Evol. 0, (2025).
- Albuquerque, U. P., Ramos, M. A., Ferreira Júnior, W. S. & De Medeiros, P. M. Ethnobotany for Beginners. Springer International Publishing (2017).
- Roué, M. Histoire et épistémologie des savoirs locaux et autochtones. Rev. D’ethnoécologie. (2012).
- Bahuchet, S. et al. Des hommes et des plantes. Rev. D’ethnoécologie. (2019).
- Blanc, J., Lizet, B. & Juhé-Beaulaton, D. Un nouvel élan pour l’ethnobotanique au Museum national d’Histoire naturelle. in Cest Quoi Ethnobot. Actes Sémin. Ethnobot. Mus. Salagon 2017. Salagon, musée et jardins (2019).
- Ramade, F. Dictionnaire encyclopédique des sciences de la nature et de la biodiversité. Dunod (2008).
- Lieutaghi, P. C’est quoi, l’ethnobotanique ? in Cest Quoi Ethnobot. Actes Sémin. Ethnobot. Mus. Salagon 2017. Salagon, musée et jardins (2019).
- Kalle, R. & Sõukand, R. Historical Ethnobotany: Interpreting the Old Records. Plants. 12, 3673 (2023).
- Yebouk, C. Ethnobotany Research and Applications: Required standards for manuscripts based on field research. Ethnobot. Res. Appl. 30, 1‐3 (2025).
- Brousse, C. Esquisse d’une typologie de l’ethnobotanique française. in Cest Quoi Ethnobot. Actes Sémin. Ethnobot. Mus. Salagon 2017. Salagon, musée et jardins (2019).
- Bonte, P. & Izard, M. Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie. PUF (2010).
- Mériaux, M. L’étude du rapport aux plantes en haute Bretagne, de 1880 à nos jours. Évolution des objectifs et méthodes. in Cest Quoi Ethnobot. Actes Sémin. Ethnobot. Mus. Salagon 2017. Salagon, musée et jardins (2019).
- Durand, J.-Y. C’est quand, l’ethnobotanique ? in Cest Quoi Ethnobot. Actes Sémin. Ethnobot. Mus. Salagon 2017. Salagon, musée et jardins (2019).
- Copans, J. & Adell, N. Introduction à l’éthnologie et à l’anthropologie. Armand Colin (2019).