200 g de champignons par semaine maximum ?

On entend parfois dire qu’en raison de sécurité pour la santé il ne faudrait pas consommer plus de 200 g de champignons sauvages par semaine. Est-ce que c’est vrai ? Et d’où vient cette information ?

Les métaux lourds

Le chiffre de 200 g de champignons par semaine vient certainement d’une étude de 2009 portant sur le risque sanitaire lié à la présence de métaux lourds dans des champignons poussant sur des sites pollués. Les auteurs de cette étude conseillent, dans les sites pollués, de ne pas dépasser la dose de 210 à 250 g de champignons par semaine1.

A partir d’une autre étude analysant les résultats de nombreuses autres études, l’auteur montre qu’en moyenne, en consommant environ 1 kg par semaine de champignons sauvages sur des sites variés non connus pour être pollués, on reste en dessous des recommandations de l’OMS sur les métaux lourds2. Cependant, certaines espèces de champignons accumulent plus de métaux lourds que d’autres. Ainsi, le pleurote du panicaut, la vesse de loup perlée, le cèpe de Bordeaux, le laccaire améthyste ou l’agaric des jachères peuvent accumuler beaucoup de métaux lourds et devraient donc être consommés seulement en petites quantités2.

D’une manière générale, il est conseillé d’éviter les zones de cueillette polluées comme le bord des grandes routes, les villes, les abords des industries ou les terrils(1,3-6)

Notez cependant que les métaux lourds absorbés par les champignons peuvent, dans certains cas, être stockés dans le champignon sous une forme qui ne serait pas assimilée et donc non toxique pour les humains2,3,7. Ainsi, certains auteurs considèrent que les métaux lourds (ou au moins certains6,8) dans les champignons sont un problème peu important4,9.

La radioactivité

On sait que certains champignons peuvent accumuler des éléments radioactifs. Ainsi, la cueillette après un accident nucléaire est évidemment à éviter et cela pour plusieurs dizaines d’années dans la zone autour de l’accident. Cela dit, une dizaine d’années après la catastrophe nucléaire de Fukushima, seule une petite partie des champignons testés dans la zone présentait encore des niveaux de pollution radioactive supérieurs aux normes autorisées2

Sur les sites non pollués, la cueillette ne pose pas de problème d’une manière générale vis-à-vis de la radioactivité2,6,10.

Les contaminations biologiques

Si l’on cueille un champignon d’une espèce comestible dans un site non pollué, il faut encore que l’individu cueilli soit en bon état et non contaminé par des micro-organismes. Pour cela, il faut éviter les champignons trop vieux, abîmés ou ayant gelés. Par exemple, les bolets sont souvent parasités par un autre champignon en forme de moisissure (Hypomyces chrysospermus) rendant le bolet toxique11.

De même, il faudra consommer rapidement la récolte en les conservant 2 ou 3 jours maximum au réfrigérateur. Autrement, il est souvent possible d’utiliser d’autres méthodes de conservation comme le séchage ou la congélation.

Le tréhalose et autres constituants

Le tréhalose est un sucre particulier qu’on trouve surtout dans les champignons et les insectes12. Pour le digérer, nous fabriquons une enzyme, la tréhalase. Certains humains ne fabriquent pas cette enzyme et sont donc incapables de digérer ce sucre ce qui provoque principalement des diarrhées13. Dans le monde, c’est environ 1 personne sur 10000 qui manque de l’enzyme permettant de digérer le tréhalose14. Cela varie nettement en fonction des régions car, chez les populations du Groenland ou de Mongolie, environ 1 personne sur 10 ne digèrent pas le tréhalose15,16

En consommant des champignons comestibles et en bon état, si des diarrhées apparaissent, c’est peut-être que vous manquer de tréhalase.

Le mannitol est un autre constituant des champignons qui pourrait poser problème. Il s’agit d’un alcool au sens chimique qui, lorsqu’il est ingéré en trop grande quantité (dépendant des personnes), peut causer des diarrhées17. En pratique, il est généralement sans danger car les concentrations sont plutôt faibles dans les champignons sauvages car il faudrait par exemple consommer environ 10 kg frais de pleurote en huître (Pleurotus ostreatus)18 et 2 kg frais pour le pied de mouton (Hydnum repandum)19 pour que la quantité soit suffisante pour un effet laxatif chez l’humain adulte20. En revanche, la concentration de mannitol dans les champignons cultivés peut être beaucoup plus grande, comme dans le champignon de Paris (Agaricus bisporus) où environ 300 g frais pourraient causer des diarrhées19.

En ce qui concerne la chitine (un sucre complexe), on entend parfois dire qu’il peut être mal digéré mais l’humain possède pourtant des enzymes lui permettant de la dégrader et donc de la digérer21,22. De plus, la chitine agirait comme un prébiotique chez l’humain23.

Autres risques 

Il existe d’autres raisons potentielles de limiter la consommation des champignons comestibles. Par exemple, les champignons cultivés peuvent présenter une toxicité liée à la présence de nicotine, fortement toxique, utilisée comme insecticide ou bien dans le cas de champignons séchés à l’aide de feuilles de tabac brûlées6.

Champignon de Paris et cancer

Autre exemple, le champignon de Paris (Agaricus bisporus), pourtant l’un des champignons les plus consommés au monde24, contient des molécules (dérivés de phénylhydrazine dont principalement l’agaritine et ses dérivés3,25,26) qui sont cancérigènes chez la souris3,17,25-27 mais dont l’effet cancérigène chez l’humain est seulement probable et n’a pas été prouvé25,26. On estime que la consommation de champignons de Paris crus pourrait donner environ 20 cas de cancers pour 100 000 humains sur la durée d’une vie humaine25,26, notamment en consommant environ 1,5 kg de champignons de Paris cru par an26. Mais on peut être rassuré en sachant que la cuisson ou le séchage diminuent fortement la quantité de ces molécules dans le champignon3,17,25. Certains auteurs recommandent tout de même de ne pas consommer plus de 100 g de champignons de Paris frais (même cuits) par semaine26 ou d’en consommer des quantités modérées de l’ordre de 2 kg par an25 et de limiter leur consommation crus25,26.

 

Enfin, des allergies ou d’autres réactions particulières et rares sont toujours possibles, le risque zéro n’existe pas, même avec les champignons les plus largement consommés, même avec n’importe quel aliment.

 

En résumé, on peut retenir que, pour une bonne sécurité, on devrait :

  • consommer un champignon d’abord en petite quantité quand on n’a jamais goûté l’espèce puis en quantité modérée ;
  • ne jamais consommer de champignons en grandes quantités ;
  • consommer seulement des individus sains ; 
  • consommer rapidement la cueillette ou utiliser des méthodes de conservation.

Sources

  1. Davranche, L., van Haluwyn, C. & Cuny, D. Approche du risque sanitaire lié à la consommation de champignons contaminés par les éléments traces métalliques. Air Pur. (2009).
  2. Kalac, P. Mineral Composition and Radioactivity of Edible Mushrooms. Academic Press (2019).
  3. Bresinsky, A. & Besl, H. A Colour Atlas of Poisonous Fungi: A Handbook for Pharmacists, Doctors, and Biologists. Wolfe Publishing Ltd (1990).
  4. Govorushko, S., Rezaee, R., Dumanov, J. & Tsatsakis, A. Poisoning associated with the use of mushrooms: A review of the global pattern and main characteristics. Food Chem. Toxicol. 128, 267‑279 (2019).
  5. Schlecht, M. T. & Säumel, I. Wild growing mushrooms for the Edible City? Cadmium and lead content in edible mushrooms harvested within the urban agglomeration of Berlin, Germany. Environ. Pollut. 204, 298‑305 (2015).
  6. Sitta, N. & Davoli, P. Edible Ectomycorrhizal Mushrooms: International Markets and Regulations. in Edible Ectomycorrhizal Mushrooms Curr. Knowl. Future Prospects. Springer (2012).
  7. Selosse, M.-A. Jamais seul : Ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations. Actes Sud (2017).
  8. Melgar, M. J., Alonso, J. & García, M. A. Cadmium in edible mushrooms from NW Spain: Bioconcentration factors and consumer health implications. Food Chem. Toxicol. 88, 13‑20 (2016).
  9. Šíma, J., Vondruška, J., Svoboda, L., Šeda, M. & Rokos, L. The Accumulation of Risk and Essential Elements in Edible Mushrooms Chlorophyllum rhacodes, Suillus grevillei, Imleria badia, and Xerocomellus chrysenteron Growing in the Czech Republic. Chem. Biodivers. 16, (2019).
  10. García, M. A., Alonso, J. & Melgar, M. J. Radiocaesium activity concentrations in macrofungi from Galicia (NW Spain): Influence of environmental and genetic factors. Ecotoxicol. Environ. Saf. 115, 152‑158 (2015).
  11. Sanguineti, E. et al. A hemolytic peptide from the mycophilic fungus Sepedonium chrysospermum (Bull.) Fr. Appl. Microbiol. Biotechnol. 94, 987‑994 (2012).
  12. Richards, A. B. et al. Trehalose: a review of properties, history of use and human tolerance, and results of multiple safety studies. Food Chem. Toxicol. 40, 871‑898 (2002).
  13. Arola, H. et al. Low Trehalase Activity Is Associated with Abdominal Symptoms Caused by Edible Mushrooms. Scand. J. Gastroenterol. 34, 898‑903 (1999).
  14. de Leusse, C., Roman, C., Roquelaure, B. & Fabre, A. Estimating the prevalence of congenital disaccharidase deficiencies using allele frequencies from gnomAD. Arch. Pédiatrie. 29, 599‑603 (2022).
  15. Gudmand-HøSyer, E., Fenger, H. J., Skovbjerg, H., Kern-Hansen, P. & Madsen, P. R. Trehalase Deficiency in Greenland. Scand. J. Gastroenterol. 23, 775‑778 (1988).
  16. Kozlov, A. I. et al. Genetically determined trehalase deficiency in various population groups of Russia and neighboring countries. Vopr Pitan. 90, 96‑103 (2021).
  17. Roux, A. Intoxications par les champignons réputés comestibles. Université Joseph Fourier (2008).
  18. Bano, Z., Rajarathnam, S. & Steinkraus, K. H. Pleurotus mushrooms. Part II. Chemical composition, nutritional value, post‐harvest physiology, preservation, and role as human food. Crit. Rev. Food Sci. Nutr. 27, 87‑158 (1988).
  19. Ferreira, I. C. F. R., Heleno, S. A. & Fernandes, . Chemical, Nutritional, and Bioactive Potential of Mushrooms. Edible Med. Mushrooms. 455‑501 (2017).
  20. Ellis, F. W. & Krantz, J. C. Sugar alcohols : XXII. Metabolism and toxicity studies with mannitol and sorbitol in man and animals. J. Biol. Chem. 141, 147‑154 (1941).
  21. Tabata, E. et al. Chitin digestibility is dependent on feeding behaviors, which determine acidic chitinase mRNA levels in mammalian and poultry stomachs. Sci. Rep. 8, 1461 (2018).
  22. Kumar, A. & Zhang, K. Y. J. Human Chitinases: Structure, Function, and Inhibitor Discovery. Adv. Exp. Med. Biol. 1142, 221‑251 (2019).
  23. Refael, G. et al. Responses of the human gut microbiota to physiologically digested insect powders or isolated chitin thereof. Future Foods. 6, 100197 (2022).
  24. Royse, D. J., Baars, J. & Tan, Q. Current Overview of Mushroom Production in the World. in Edible Med. Mushrooms. John Wiley & Sons, Ltd (2017).
  25. Gry, J. & Andersson, C. Mushrooms traded as food. Vol II sec 2 : Nordic Risk assessments and background on edible mushrooms, suitable for commercial marketing and background lists. For industry, trade and food inspection. Risk assessments of mushrooms on the four guidance lists. Nordisk Ministerråd (2014).
  26. Lagrange, E. & Vernoux, J.-P. Warning on False or True Morels and Button Mushrooms with Potential Toxicity Linked to Hydrazinic Toxins: An Update. Toxins. 12, 482 (2020).
  27. Stajić, M., Vukojević, J. & Ćilerdžić, J. Mushrooms as Potential Natural Cytostatics. in Med. Mushrooms Recent Prog. Res. Dev. Springer (2019).

Pour aller plus loin

Nous vous rappelons que la cueillette sauvage des champignons comporte des risques, que vous pouvez découvrir ici les règles et précautions pour la cueillette. Il est indispensable d’être sûr à 100% de vos identifications avant de consommer un champignon, quel qu’il soit.

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